Les marques traditionnelles, historiques, sont chahutées par les Indie Brands, ces enseignes biberonnées aux réseaux
l sociaux, disruptives, qui proposent des « expériences » autant que des produits, avec une communication parfois décalée
et des stratégies de vente différenciantes.
Le terme Indie Brand semble bien connu des coiffeurs, même si chacun en propose une interprétation personnelle comme Serge d’Estel : “C’est un terrain d’action dans lequel se côtoient des milieux très différents, qui impliquent scientifiques, graphistes, photographes, mannequins. Très riche en échanges, ce milieu est attractif. C’est l’envie de la nouvelle génération d’exprimer sa créativité, son originalité dans le domaine des cosmétiques.”
Créatrice de Mon Shampoing, Patricia Debrant l’analyse comme des marques “des marques de niche, dans l’ère du temps, de plus en plus appréciées par les clients qui veulent sortir du “mass market”.” Un sentiment partagé par Rodolphe Diotel, créateur de Rodolphe & Co : “Une marque nouvelle, différenciante et qualitative n présente grâce à de jeunes entrepreneurs qui croient en une autre forme de business, souvent plus responsable, plus proche de ses clients. Les Indie Brands se veulent créatives et incubatrice d’idées
SE LANCER
Pourquoi se lancer dans une aventure en créant sa marque de produits ? « J’avais envie d’innover dans les soins capillaires avec des produits naturels en apportant une personnalisation simple, des fragrances incroyables et des résultats immédiats », avoue simplement Patricia Debrant. “Tous les paramètres des Indie Brands m’ont séduit, renchérit Serge d’Estel. Les attentes des clientes et des clients guident notre créativité : choix des fournisseurs de matières premières naturelles, actifs de qualité, huiles végétales et essentielles pour notre fabrication.”
Pour Rodolphe Diotel, le challenge était différent. Confronté très jeune à des allergies sevères sur ses mains et son système respiratoire, ce coloriste mettait sa santé en jeu. Il a voulu “changer les choses plutôt que subir et changer de métier. Je suis fier d’être à la fois dans la formulation bio “Made in France” et d’avoir retrouvé mon métier de coloriste”.
FACE AUX GROS
Sur le marché, Rodolphe Diotel juge que l’offre actuelle « manque cruellement d’innovation. Il est plus que nécessaire que les marques investissent en R&D. En chimie comme en naturel, elles ne se distinguent que par le marketing ou presque. Et ce marketing n’aide pas le consommateur à y voir clair. Heureusement, les évolutions réglemen- taires empêchent la communication sur le “sans-sans” ».
Même constat pour Patricia Debrant concernant l’innovation: « Les acteurs historiques ne correspondent plus aux attentes actuelles des consommateurs. Ils sont en quête de petites marques, loin du marketing d’hier, avec des lignes courtes et de vrais résultats, sans tricher sur les ingrédients. Les réseaux sociaux ont changé la donne: le client final a repris la main sur la communication. »
Face à ces manques, et malgré une offre actuelle « un peu saturée, mais multiple avec des produits chimiques, naturels, bio, végans…, il y a de la place pour que des marques aux valeurs sincères et authentiques s’installent dans le temps. Les clients ont besoin de nouveautés, de choix et veulent comparer. Face à la multiplicité, ce sont les produits efficaces et accessibles qui l’emportent », raconte Serge d’Estel.
EXCLU OU PAS
Vendre dans son salon, c’est bien. S’implanter dans d’autres, c’est encore mieux. Mais face aux mastodontes, aux remises commerciales, aux avantages divers et variés, comment réussir ? Demander l’exclusivité ? Impensable… Alors ? « Nous travaillons en direct avec les salons et nous leur apportons une marge confortable, avec une gamme courte sans minimum de commande, précise Patricia Debrant. Notre concept unique permet également de diminuer leur stock, car nous avons une seule base de shampoing et d’après- shampoing qui se combinent à nos six boosters en fonction du type de cheveux. Nous travaillons en complémentarité avec d’autres marques… Les coiffeurs souhaitent de moins en moins se sentir “menottés” avec une exclusivité, ce qui est une bonne chose; car, au final, c’est le client qui décide du succès ou non d’une gamme. »
Sentiment partagé par Serge d’Estel : « Quand les coiffeurs choisissent nos produits, ils ont souvent une ou deux autres marques. À charge pour nous de nous différencier par la qualité et l’attraction des nouveautés pour nous implanter durablement. Je pense qu’il est plutôt sain de cohabiter avec une ou deux marques. L’exclusivité serait bien entendu un avantage, mais elle ne doit toutefois pas être un moyen de pression pour les revendeurs Nous avons une stratégie de revente en magasins de beauté. Nous nous attachons au fait que les prix de vente soient les mêmes quel que soit le canal de distribution, pour éviter la concurrence déloyale. »
« Nous proposons des coefficients très généreux à nos clients coiffeurs ce qui permet de valoriser leur service en salon, conclut Rodolphe Diotel. Nous avons deux types de clientèle : des coiffeurs engagés en bio, qui travaillent en exclu avec nous, et de très nombreux salons et quelques chaînes qui proposent un service bio dans des salons conventionnels. Notre service commercial est très sélectif. Il ne contacte que quelques dizaines de salons potentiels par année. Le reste de notre développement se réalise grâce aux rassemblements professionnels ou par le client qui nous contacte directement. »
Martine Carret